L'ENFANT DE POUSSIÈRE de Patrick K. Dewdney
A Corne-Brune, Syffe, un orphelin de 8 ans, vit dans une ferme avec trois autres enfants dans la même situation. Dans une société d’inspiration moyenâgeuse, nous allons suivre le chemin caillouteux d’une enfance rude. Dans ce roman classé dans la Fantasy, l’auteur offre un récit d’apprentissage foisonnant.
Je n’ai jamais lu de roman dit de Fantasy, je sais vaguement qu’on y croise quelques magiciens ou autres sorciers, je sais qu’on pénètre dans des mondes imaginaires et je sais qu’il faudrait lire Tolkien sauf que voilà, la fois où je me suis mise devant un écran pour regarder Le seigneur des anneaux, je me suis endormie, alors le lire…
Pourquoi ouvrir L’enfant de poussière ? Parce que Patrick K. Dewdney.
J’ai découvert cet auteur avec deux livres époustouflants, Crocs, puis Écume, dont la qualité d’écriture et le style incomparable sont des raisons suffisantes pour lire n’importe quel genre de littérature tracé de sa plume.
La société élaborée dans ce récit ressemble à n’importe quelle société que l’Histoire de notre monde a connue. Il y a les dirigeants et les dirigés, il y a les fortunés et les meurt-de-faim, il y a la quête du pouvoir et il y a des guerres. Dans les premières pages, nous sommes dans une période de paix fragile, maintenue, à Corne-Brune, par un Primat assez indulgent. Mais il va mourir et une période de troubles va s’amorcer. La construction de ce monde imaginé par l’auteur est complexe, et formidablement maîtrisée, c’est un des points forts, pour moi, de ce récit.
Syffe, aussi jeune soit-il, va être confronté rapidement à une vie ardue et à un enseignement du monde parfois cruel. Il va rencontrer des personnages qui l’aideront à grandir que ce soit vers des valeurs humanistes ou que ce soit vers la lie. Trois hommes participeront à cette forge du petit homme. Hesse, le première-lame du Primat, sera le premier à lui donner des responsabilités et sa confiance. Nahirsipal, scientifique, sera celui qui lui amène la connaissance, qui lui enseigne l’écrit mais aussi, il est le seul personnage du récit à « croire », le seul à parler de divinités. Et enfin, Uldrick, le guerrier var, le sauvera de la pendaison et entreprendra d’en faire un combattant. Toutes ces rencontres aussi hétéroclites que déroutantes sont autant de pierres dans la construction de l’homme en devenir qu’est Syffe.
De grands moments de lecture que ceux proposés par le duo Syffe/Uldrick. Leur tête à tête de deux années en pleine forêt afin de préparer l’enfant au combat est avant tout un apprentissage à être un homme intègre. Uldrick, aussi rude que violent, est certainement le personnage le plus humaniste du roman. Son enseignement est celui que reçoivent tous les vars, celui du respect des siens, de l’entraide et celui du libre arbitre. Le modèle de vie des vars que nous découvrons avec le vaïdroerk prône la cohésion du groupe par l’estime de chacun même dans ses différences.
Je remercie Uldrick de m’avoir monté à quoi ressemble un tueur ordinaire, soldat ou coupe-jarret, ou égorgeur d’enfants. Cela m’a permis de saisir que, derrière les massacres et les rapines et les viols, derrière les pires horreurs que le monde peut contenir, il n’y a ni mal, ni démons, ni mauvais sorts, mais seulement la folie d’hommes désespérés, dont la peur a fait des monstres.
J’ai parlé de récit foisonnant, il n’est pas facile d’en extraire ici tout le potentiel. C’est un grand livre, porté par un texte à la fois poétique et lucide, très moderne malgré la poussière des routes. Il s’agit du premier tome du cycle de Syffe, nous avons encore de nombreuses pages à lire pour voir grandir l’enfant. Le tome 2, La peste et la vigne, sera en librairie en septembre.
Au Diable Vauvert (2018)
619 pages
L’AUTEUR
Né en Angleterre en 1984, Patrick K. Dewdney vit dans le Limousin depuis l’enfance. Après avoir publié poésie et roman noir, il a reçu le prix Virilo 2017 pour Écume (La Manufacture de livres). Projet d’une vie, L’Enfant de poussière ouvre la grande saga de fantasy historique de Syffe.
(source : Au Diable Vauvert)