BRATISLAVA 68, ÉTÉ BRÛLANT de Viliam Klimacek

Publié le

 

 

Nous sommes une nation condamnée à la tendresse. On nous envahit facilement.

1968, le Printemps de Prague fut un souffle d'espoir pour la Tchécoslovaquie promettant une relative libéralisation avec un socialisme dit à visage humain, cela n'étant pas du goût de la Russie qui veut imposer une « normalisation » de la politique communiste. Ainsi advient la nuit du 20 août 1968, quand les tanks russes entrent dans le pays et bouleversent la vie de milliers de familles.

Les frontières vers l'Autriche n'ayant pas été fermées de suite, beaucoup fuiront le régime oppressif, laissant derrière eux leur maison, leur famille, leur propre histoire. Ce sont ces migrants politiques que l'auteur a rencontré, trente ans après, au Canada. Ce sont leurs témoignages qui sont à l'origine de ce roman observateur de l'Histoire, non pas du point de vue médiatique de l'époque, ou de celui des historiens, mais juste le regard de ceux qui l'ont vécu d'en bas.
On apprend et comprend toujours mieux l'Histoire quand elle vient de la bouche de ceux qui l'ont vécue. Une forme d'empathie nous rend les événements plus palpables au travers de personnages qui auraient pu être nos voisins, nos amis, ou même notre propre famille. C'est ce que l'auteur réussit à provoquer chez son lecteur, une empathie de proximité, une immersion dans la vie de gens ordinaires qui vivront l'extraordinaire, victimes d'un régime sabotant les libertés.
Ainsi, suivrons-nous Petra, jeune diplômée de médecine, fuyant vers le Canada, aidée de son père et abandonnant sa mère au pays, Tereza, petite fille d'un rescapé des camps de concentration, cherchant en Israël un chez-soi, une identité, Jozef, pasteur mis à l'écart pour n'avoir pas voulu dénoncer ses paroissiens, fuyant vers les États-Unis. Autant de vies dépossédées de leur patrie. Autant de vies en recherche d'un havre nouveau. Et puis, il y a ceux qui restent...

On glisse dans ce roman avec une déconcertante facilité, suivant avec inquiétude les routes prises, se retournant quelques fois espérant que la Tchécoslovaquie retrouve son souffle, alors que nous savons qu'elle va étouffer deux décennies encore. Le regard distancé de l'auteur sur les événements politiques rend plus forte encore la proximité avec l'humanité de ceux qui les vivent. Un auteur qui a grandi dans ce pays persécuté. Ce livre est à la fois un rappel au devoir de mémoire et un renvoi brutal à notre présent, un monde qui oblige encore aujourd'hui les hommes, les femmes, les enfants à fuir leur pays, à mourir en route, à affronter un ailleurs qui ne veut pas d'eux.

Un livre à lire.
Merci aux Éditions Agullo de nous permettre de lire des auteurs d'autres horizons.

Éditions Agullo (2011)
362 pages
Traduit du slovaque par Richard Palachak et Lydia Palascak

 

L'AUTEUR

Viliam Klimáček est écrivain, poète, dramaturge, metteur en scène, comédien, slovaque. Il a été l'un des fondateurs du théâtre GunaGu à Bratislava. Auteur de nombreux romans, il a publié Bratislava 68 : été brûlant (Horúce leto 68) en 2011.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article