VOX de Christina Dalcher
Donnez-leur de bonnes instructions afin d'apprendre aux jeunes femmes à ne pas être asservies aux excès de vin, à aimer leurs maris et leurs enfants, à être sensées, chastes, occupées aux soins domestiques, bonnes, soumises chacune à son propre mari.
Dans un futur proche, aux États Unis, une droite catholique extrémiste détient le pouvoir. Dorénavant, les femmes devront retrouver la place qu'elles occupaient dans les années 50, celle de femmes dévouées à leur mari, celles qui restent au foyer pour assurer les tâches ménagères, celles qui gèrent les enfants, non pas les éduquent, non, juste les nourrissent, celles qui procréent sans avoir voix au chapitre. Sans avoir voix. Sans voix, plus de mots, sans mot, plus de pensée. Les femmes porteront un bracelet, un « compte-mot ». Au-delà de cent mots prononcés dans une journée, le bracelet balancera une décharge électrique. Et plus le dépassement sera conséquent, plus forte sera la décharge.
Voilà le monde dystopique présenté par Christina Dalcher avec Vox.
Il est difficile de se renouveler dans ce genre de littérature, de beaucoup ont écrit sur la maîtrise de la pensée de l'Homme pour limiter son désir de liberté, le désir de s'exprimer, heureux les simples d'esprit. J'emploie le conditionnel mais mon petit doigt me souffle qu'aujourd'hui, peut-être, notre « démocratie », celle qui manipule les masses en leur faisant croire qu'elles sont libres, ferait penser à une Océania camouflée. Bref, ceci est un autre débat. De nombreuses œuvres se démarquent tel le 1984 d'Orwell et l'incontournable Big Brother. Ici, l'idée de supprimer l'expression orale chez les femmes est originale parce qu'elle semble crédible et efficace sur plusieurs générations, le langage étant le propre de l'Homme, l'en priver, c'est le maîtriser. Un des grands combats de notre actualité est celui qui veut libérer les femmes du joug masculin, cf les hashtags et autres mouvements féministes, il est donc normal de le retrouver dans nombre de littératures. Margaret Atwood voit ainsi son roman La servante écarlate écrit en 1985 revenir sur le devant de la scène grâce à la télévision. Et maintenant, Vox. Sauf que, n'est pas Atwood qui veut…
Si l'idée de départ m'a réellement séduite, ce que l'auteure en a fait sur 427 pages m'a moins emballée. Le récit est lourd (combien de fois est-elle revenue sur le passé de cette féministe lesbienne déchue ?), les actions sont téléphonées et grossières, le dénouement est too much. Jean McClellan, docteure en neurosciences, frustrée par son compte-mots devient, en conséquence, une super-héroïne qui va tenter de sauver le pays d'une dictature avec l'aide d'un amant qui, fort heureusement, est aussi un neurologue super-héros. Vois-tu, cela est tout de suite moins crédible. Et je ne parle pas des rencontres fortuites aux bons moments, de coïncidences hasardeuses (sa mère qui a besoin du même sérum sauveteur que celui sur lequel travaille super-docteur), et ainsi de suite.
Je disais donc qu'il est bien compliqué de trouver une dystopie innovante et de qualité, si tu as des suggestions...
Nil éditions (2019)
Traduit de l'anglais par Michael Belano
427 pages
L'AUTEUR
Christina Dalcher est docteure en linguistique. Son œuvre a été plusieurs fois sélectionnée pour des prix littéraires. Vox est son premier roman.