STATION ELEVEN de Emily St. John Mandel
La chute de l’humanité survient assez rapidement suite à une pandémie qui décime 99% de la population mondiale. L’histoire commence juste avant le fléau, nous sommes à l’Elgin Theatre de Toronto. Se joue le Roi Lear. Et Arthur Leander s’écroule sur scène. Première victime.
Vingt ans après, nous suivons une troupe de théâtre itinérante qui parcourt la région du lac Michigan pour faire vivre l’espoir chez les survivants par les mots de Shakespeare.
La civilisation, en l'An vingt, était un archipel de petites localités. Ces colonies avaient combattu les bêtes sauvages, enterré leurs voisins, vécu, péri et souffert ensemble pendant les années sanglantes qui avaient suivi le cataclysme, avaient survécu dans des conditions épouvantables, et ce seulement en se serrant les coudes dans les périodes d'accalmie : autant dire qu'elles ne se mettaient pas en quatre pour accueillir les étrangers.
Ce roman post-apocalyptique ne décrit pas cette fin des hommes, il ne s’attarde pas sur le chaos vécu pendant qu’ils agonisaient, ni pendant que les survivants revenaient à une vie sauvage où la technologie ne sera plus qu’un soupir nostalgique que l’on soufflera le soir au coin d’un feu.
Vingt ans après, la vie s’est organisée, ceux qui restent tentent de s’adapter à un environnement hostile, par petits groupes, avec la crainte de l’extérieur. Le monde s’est rétréci : plus d’avions pour parcourir de grandes distances, plus de téléphones, plus d’actualités, juste une petite radio locale qui tente d’insuffler quelque embellie. Ici, l’auteure ne met pas en cause le monde moderne dans la chute de l’humanité, au contraire, elle exprime un deuil difficile, comme ce musée du passé entretenu par un ancien.
Et ce reste d’humanité est porté par de magnifiques personnages. Touchants. Nous suivons Kirsten avant et après le changement. Nous la suivons dans sa caravane, aller de village en village, jouer Shakespeare. L’art pour garder la lumière, l’art pour mieux respirer, l’art pour ne pas revenir à l’état sauvage.
Un très beau roman, admirablement mené entre deux époques, avec pour fil conducteur une BD du temps d’avant qui passe d'une main à l'autre, d’un lieu à l’autre, comme un fil tendu vers une espérance nouvelle.
Rivages (2016)
475 pages
Traduit de l’anglais par Gérard de Chergé
L’AUTEUR
Emily St. John Mandel est une romancière canadienne anglophone. Son premier roman, Dernière Nuit à Montréal, a été finaliste du ForeWord Magazine's 2009 Book of the Year. On ne joue pas avec la mort, son deuxième titre traduit en France, remporte le Prix Mystère de la critique en 2014. Son troisième roman, le premier publié au Canada, est Les Variations Sebastian (2012). Elle publie en 2014, Station Eleven, un roman dystopique se déroulant dans un monde post-apocalyptique après qu'un virus a ravagé la Terre. Cela lui vaut des nominations aux PEN/Faulkner Award et Baileys Women's Prize for Fiction, ainsi que d'être finaliste du National Book Award 2014.