ÉBOUEUR SUR ÉCHAFAUD d'Abdel Hafed Benotman

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Faraht Bounoura, dit Fafa, est le petit dernier d’une famille de quatre enfants. Ses parents font partis de cette première génération d’immigrés algériens. La mère a grandi telle une esclave, à la fois battue et invisible avant d’être donnée en mariage à Benamar Bounoura. Le couple s’installe à Paris où ils élèveront Nourredine, Karima, Nadia et Fafa.
Le père travaille très dur pour nourrir sa famille, la mère est à la fois soumise et déséquilibrée et c’est  dans la violence des coups, dans la violence des mots que Faraht va se construire. Les enfants sont brimés et privés de toutes libertés : Benamar a déjà choisi les destinées de ses enfants, l’un sera sur les chantiers, l’autre partira au pays dans l’armée et celle-ci sera coiffeuse. Sans oublier de trouver un mari à ses filles. Faraht étouffe, Faraht veut vivre dans une famille comme les autres, Faraht s’invente une vie.

Face aux petits camarades de classe, Fafa s’inventait de faux Noëls et des anniversaires placebos, il entrait en compétition de cadeaux et, de mensonge en mensonge, il fallait parfois prouver la véracité de ses dires par des faits. Fafa volait donc pour dans la cour de récréation ouvrir secrètement son cartable et montrer aux enfants émerveillés ce que lui, Faraht, avait reçu de ses parents pour son anniversaire ou sa fête. (…) Fafa, donc, prouvait que ses parents, comme ceux des autres mais en mieux, l’aimaient plus que tout au monde (…).

Au fil des années, Faraht va apprendre qu’à l’extérieur aussi il est difficile d’être l’égal des autres. Faraht, c’est un bougnoul, un raton, un scabèche, un boucaque, un bicot… La haine engendre la haine, la violence engendre la violence.

Les autres enfants qui, comme Fafa, ne savaient pas entraient dans la danse et jouaient eux aussi au racisme. Les premiers entraînant les seconds et l’ensemble faisant la cour de récréation, Faraht Bounoura restait seul face à ce lynchage. (…) Fafa fit front seul. Au pied du mur, il fit face à la meute sans éviter les morsures. Au poteau de torture, il se laissa supplicier sans connaître son crime.

Ce livre est bouleversant, on a le cœur serré et trempé de colère en lisant les souffrances que cet enfant a enduré… seul. L’écriture est sans détour, l’auteur n’est pas là pour nous épargner, on est ancré dans une réalité dure, une réalité féroce, une réalité inhumaine.
Son père le lui avait prédit : Au pire, tu finiras éboueur. Au mieux, sur l’échafaud.
Mais Abdel Hafed Benotman est devenu un écrivain dont la plume tire sa force de son vécu.

Rivages/Noir (2003)
248 pages

 

L'AUTEUR

Abdel Hafed Benotman est un ex-taulard, il est aujourd'hui auteur de romans et de nouvelles publiés chez Rivages, dont Eboueur sur échafaud.
En 2003, il s’est vu décerner, très officiellement, un prix littéraire à l’Hôtel de Ville de Paris. Il est également acteur de cinéma, de télévision et de théâtre, pour lequel il a produit quelques pièces.
Militant qui lutte contre toutes les formes d'emprisonnement, il est aussi à l’origine de la création d’un journal et d’une émission de radio sur le milieu carcéral.

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