LES VOYAGES DE SABLE de Jean-Paul Delfino
Cela fait quarante ans que M. Jaume s’installe sur cette banquette en moleskine usée. Chaque jour, il boit son café dans ce petit troquet parisien. Ce soir, il neige au dehors, ce soir, il va se raconter. Dans une atmosphère feutrée et calfeutrée, dans les volutes des cigarettes et les vapeurs alcoolisées, il veut clore son voyage à l’oreille de Virgile, le bistrotier taiseux et bourru.
M. Jaume serait immortel, mais on ne la fait pas à Virgile, il en a entendu des histoires de vie, des contes passionnés et fantasmés. Pourtant, il écoute. Et se laisse emporter aux portes du monde.
A pas comptés, un torchon humide sur l’épaule, Virgile vint déposer le café crème devant monsieur Jaume qui, avec sa lenteur coutumière, porta son index et son majeur à sa tempe. Ce soir-là, les désespérés du comptoir avaient plié les gaules plus tôt que de coutume. Au zinc, ne restait plus qu’un habitué, un ancien cheminot qui buvait sa retraite en égoïste, ne payant jamais sa tournée et se trouvant, par là même, tenu à l’écart de la bêlante solidarité des buveurs de mousse et des téteurs d’anis.
Ce livre est une épopée. L’épopée d’un homme né en 1702 à Marseille et qui va traverser le temps et l’espace. Combien de vies dans une seule ? M. Jaume a fui la grande peste, a parcouru les continents et les luttes des hommes, l’esclavage en Afrique, la culture du café en Guyane, le Brésil, le Portugal… et Paris. Il est le témoin de l’éternelle folie de l’humanité qui jamais ne s’apaise, il meurt tant de fois pour vivre à nouveau la démence des civilisations. Et Virgile voyage pour la première fois, lui qui jamais n’a quitté son quartier, lui qui toute sa vie a lustré son comptoir ne faisant qu’alimenter son cabinet des curiosités, petit musée échappatoire, trace de sa vie sédentaire.
L’immortalité est un thème qui emballe les esprits depuis que l’Homme pense. Que faire d’une vie sans fin ? M. Jaume a aimé passionnément et M. Jaume a perdu cet amour. La vie ne vaut-elle pas d’être vécue parce qu’elle a un épilogue justement ?
Jean-Paul Delfino offre là un conte entre poésie et fantastique, un conte des grands espaces et du confinement des cœurs à une table de bistrot, un conte sur l’Homme.
Le Passage (2018)
271 pages
L’AUTEUR
Jean-Paul Delfino, né à Aix-en-Provence en 1964, est romancier et scénariste. Après la parution de plusieurs romans policiers et l’écriture de pièces radiophoniques pour Radio France, il a entamé la publication d’une série romanesque consacrée à l’histoire du Brésil, intitulée Suite brésilienne, qui compte à ce jour neuf romans.