ÉCOUTEZ NOS DÉFAITES de Laurent Gaudé

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Écoutez nos défaites. Écoutez vos défaites, vous, les maîtres de guerre qui avez fait l’Histoire. Toi, Hannibal, qui n’hésiteras pas à sacrifier quarante-cinq mille hommes en quelques heures pour te faire craindre du peuple romain, te sens-tu vainqueur ? Toi, général Grant que l’on surnommera « le boucher » et qui feras couler le sang des confédérés durant la guerre de sécession, te sens-tu vainqueur ? Et toi, Hailé Sélassié, empereur d’Éthiopie qui résisteras à Mussolini en regardant les tiens périr, te sens-tu vainqueur ?

Les batailles qu’on nous a demandé de gagner nous les avons gagnées, mais nous savons, vous et moi, que nous sommes vaincus…

Les récits de vie de ces hommes de lutte se mêlent, se chevauchent, se ressemblent. Et au milieu, nous suivons Assem qui a parcouru le monde pour les services secrets français et qui aujourd’hui se demande tout ce qu’il a pu laisser de lui dans chacune de ses batailles. Partant pour une ultime mission, il croise Mariam, juste une nuit, juste pour un mélange des corps libérateur, une fuite. Mariam est une archéologue irakienne et elle mène aussi ses guerres. Sa vie est une course haletante derrière des œuvres d’art volées, des œuvres arrachées à son pays. Et dans le même temps, Mariam affronte la maladie qui la ronge.

 Les siècles ont passé. Les historiens ont écrit, encore et encore, sur chaque massacre, chaque génocide, chaque convulsion de l'Histoire. "Plus jamais cela." Chaque génération a prononcé cette phrase. Est-ce que l'Histoire ne sert à rien ?

Alors voilà ce que je retiendrai de ce roman de Laurent Gaudé : Est-ce que l’Histoire ne sert à rien ?
Sa démonstration est pertinente et percutante. Les mots sont là, les mots de Laurent Gaudé, puissants et justes. C’est ce qui a fait que je suis allée jusqu’à la dernière page. Pour la force incomparable de ses mots. Et pourtant, j’ai trainé, j’ai langui la fin, j’ai soupiré parfois. Plusieurs raisons à cela. Il est vrai que les faits de guerre ne sont pas un de mes thèmes de prédilection, j’ai du mal à lire la mort inutile, j’ai du mal à lire le sacrifice pour la gloire et je suis fatiguée de cette répétition morbide de l’Histoire. Oui, la guerre c’est forcément une défaite. Pour tous. C’est même un échec de l’humanité. Ensuite, j’ai trouvé redondant cette litanie faite à la défaite, sans cesse marmonnée, à chaque page la sensation d’un écho entêtant, comme un gémissement continu. C’était long. Je ne pensais pas pouvoir écrire ça d’un roman de Laurent Gaudé un jour…
Je ferme donc ce livre soulagée d’être arrivée au bout, je manquais d’oxygène. Mais le prochain Gaudé sera aussi sur ma table de nuit.

Actes Sud (2016)
282 pages

 

L’AUTEUR

Romancier, nouvelliste et dramaturge né en 1972, Laurent Gaudé publie son œuvre, traduite dans le monde entier, chez Actes Sud.
Il est notamment l’auteur de Cris (2001 ; Babel n° 613), La mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires 2003 ; Babel n° 667), Le soleil des Scorta (2004, prix Goncourt 2004, prix Jean-Giono 2004 ; Babel n° 734), Eldorado (2006 ; Babel n° 842), Dans la nuit Mozambique (2007 ; Babel n° 902), La porte des Enfers (2008 ; Babel n° 1015), Ouragan (2010 ; Babel n° 1124), Les oliviers du Négus (2011), Pour seul cortège (2012), Danser les ombres (2015).

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