JE NE ME LASSE PAS DE VIVRE de Jaroslav Melnik

Publié le par Laetitia De Guiche

 

Nous sommes en 5870 et les hommes ne meurent plus, d'ailleurs Dio aura bientôt mille ans et il a usé quelques corps, il ne sait plus trop combien et quand celui qu'il utilise sera trop vieux il ira dans un Centre de Renaissance en choisir un « neuf » et son cerveau sera transféré d'un corps à un autre. Peut-être essaiera-t-il à nouveau un corps de femme, il se souvient avoir apprécié porter des enfants même s'il ne sait pas ce qu'ils sont devenus ayant eux-mêmes utilisés d'autres corps, des corps de « korgs » élevés pour que les citoyens ne meurent plus. Le CERVART (Cerveau Artificiel) gère la survie de tous ces citoyens. Il est vrai qu'il existe encore des Oasis de Vérité habitées par des êtres qui veulent mourir quand leur corps sera en fin de vie et qui dérangent les projets du CERVART parce qu'ils posent les questions qui embarrassent la morale nouvelle construite par l'intelligence artificielle et par le langage depuis des siècles, le « korg » ne serait-il pas un être humain finalement ? « Notre langue est suffisamment fourbe pour cacher la vérité. » (la question de la représentation que l'Homme a du vivant est récurrente dans l’œuvre de Jaroslav Melnik : Macha ou le IVe Reich, Les parias d’Éden) Est-ce que vivre dans un autre corps c'est être soi encore ? La poésie n'existe-t-elle pas parce qu'on va mourir ? Est-ce que vivre éternellement tuerait la créativité et par là même nous déshumaniserait ? Cette dystopie est un nouveau coup de génie de l'auteur, il n'hésite pas à transgresser les valeurs fondamentales de notre société actuelle pour questionner leur validité. Il soulève des interdits moraux, ça gratte et ça fait grimacer mais, pour sûr, ça remet le monde en perspective. Encore un grand livre.

Actes Sud (2024)
Traduit du russe (Lituanie) par Laurence Foulon
377 pages

 

L'AUTEUR
Jaroslav Melnik, né en 1959 en Ukraine, est un écrivain et philosophe reconnu pour ses récits mêlant science-fiction et réflexion philosophique. Après des études de philologie à Lviv et à l’Institut de littérature Maxime-Gorki à Moscou, il a acquis une renommée internationale. Parmi ses œuvres marquantes figurent Espace lointain (Prix BBC du Livre de l’année en 2013) et Visages inversés. Ses écrits interrogent souvent les dimensions politiques et sociales de la liberté.
Sur le blog : Espace lointain, Macha ou le IVe Reich, L'oiseau qui buvait du lait

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