2030 de Philippe Djian
Il va y avoir de sacrées inondations, dit-elle.
On a déjà oublié les incendies, les forêts encore en flammes pas plus tard que la semaine dernière.
On s'habitue vite.
Il y a dix ans, une jeune suédoise avec des tresses arguait aux adultes criminels du monde entier que les changements climatiques à venir préviendraient de la fin de l'humanité. Si elle fut un symbole pour les écologistes, ses détracteurs furent tout aussi nombreux, et ainsi a continué le monde...
2030, alors que les saisons s'affolent, que la nature s'exaspère, les chaleurs écrasent et les pluies désespèrent de ne pouvoir pénétrer une terre enfouie sous le ciment. Et Greg n'est pas innocent. Il cède aux pressions de son beau-frère Anton et l'aide à falsifier les résultats d'une étude sur les pesticides.
2030, la jeune suédoise revient et signe un livre choc.
Focus sur cette famille abimée. Six personnages évoluent entre des drames personnels et la folie climatique. Autour de Greg, les consciences s'entrechoquent. Soit elles se scandalisent, soit elles se dédouanent. Soit elles hurlent l'impuissance, soit elles fuient. Mais si on écoutait attentivement les pulsations qui accélèrent leur rythme dans la poitrine de Greg, ce sont les râles de la culpabilité que l'on entendrait. Greg est-il coupable d'avoir perdu une part de sa vie ? Et sa nièce est-elle coupable de son immobilité ? Et Véra, la sublime Véra qui enfièvre l'âme de Greg, est-elle coupable de désillusion ? Philippe Djian pointe la culpabilité de chacun, en leur vie, et en leur monde, et par delà, la culpabilité de l'Homme qui est incapable de progrès, ce qui est un paradoxe aberrant à l'apogée d'un modernisme qui suce toutes les ressources naturelles.
Dialogues et narration se mêlent, les personnages sont partie intégrante de l'histoire, ils font l'histoire, ils incarnent l'histoire. Ils sont ordinaires à première vue, et c'est là la force de l'auteur, ils sont des personnages ordinaires dans un monde qui ne l'est plus. Et ça en fait des personnages dramatiques.
2030 est un roman dramatique, noir et désabusé.
Et j'ai aimé fort.
Flammarion (2020)
210 pages
L'AUTEUR
Philippe Djian est l’auteur de plus d’une vingtaine de romans parmi lesquels 37,2 le matin, la série Doggy Bag (Julliard, 2005-2008), Impardonnables (prix Jean Freustié), Oh (prix Interallié), Chéri-Chéri, Marlène... (Gallimard, 2009, 2012, 2014, 2017.) Plusieurs d’entre eux ont été adaptés au cinéma, tel 37,2 le matin par Jean-Jacques Beneix. Il est également le parolier de Stephan Eicher.