BUVEURS DE VENT de Franck Bouysse
Trois frères et une sœur se balancent le long d'une corde. Au-dessus de leur tête, l'arc formé par le pont, au-dessous, la rivière. Et face à eux l'histoire des hommes.
La génèse d'abord. Ils sont arrivés et ont construit autour de la rivière. Une histoire somme toute commune dans ce paysage rural quelque part au centre du pays.
Au mitan de la vie des hommes, une ombre puissante industrialise le site, libérant l'effroi, asservissant le bras du travailleur, et le tempo s'active autour de la centrale électrique, pas loin du barrage là-bas.
Il faudra traverser un univers bien singulier pour arriver à la fin éclatante de cette histoire.
Franck Bouysse déstabilise.
Trois frères et une sœur qui ensemble forment l'unité, réunissant le goût des mots, le chant des feuillages, la liberté de la chair, le rêve d'aventure. Un tout. Une multitude de personnalités les frole, les caresse, les bouscule. Les personnages font l'histoire, des personnages épais qui creusent le sillon du récit.
Où ça ? Le Gour Noir. Il y a ce pont du Gour Noir, il y a cette forêt, il y a ce village et ce bar dans ce village. Un marin dans ce bar. Des putes. Et en haut de sa tour, Dieu domine sa création. Dieu soumet ses sujets. Il ne faudrait pas que l'équilibre se rompe.
Quand ? On ne sait pas. Au moment où la corde est trop tendue sûrement.
Franck Bouysse sort du cadre, il éloigne sa plume de ses romans précédents créant un microcosme surprenant où chacun trouvera à qui s'identifier, un monde dans le monde. Il ne se formalise pas de codes d'un genre, le conte, le western, le roman rural, il n'y a pas de case pour ce roman. Reste la tragédie humaine.
Franck Bouysse sort du cadre mais il conserve la grâce du verbe qu'on lui connait, la poésie dans le mouvement de la tempête et sous le clapotis de la rivière.
La beauté est une humaine conception. Seule la grâce peut traduire le divin. La beauté peut s'expliquer, pas la grâce. La beauté parade sur la terre ferme, la grâce flotte dans l'air invisible. La grâce est un sacrement, la beauté, le simple couronnement d'un règne passager.
Un très grand livre.
Encore.
Albin Michel (2020)
392 pages
L'AUTEUR
Franck Bouysse a publié une quinzaine de romans dont Grossir le ciel, couronné par de nombreux prix (prix SNCF du polar 2017, prix Sud-Ouest du polar 2016…), et Né d’aucune femme (prix des libraires 2019, prix Babelio 2019, Grand prix des lectrices de Elle 2019…).
(Mais aussi : Vagabond, Pur sang, Plateau, Glaise )