ORLÉANS de Yann Moix

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Mon existence, ce n’est que cela, rien que cela : l’instant présent, dans sa gratuité pure, coupé de toute racine, sourd, ingrat à tous les hiers. Je ne suis qu’une imminence.

Orléans, ville du centre la France, dans la vallée de la Loire, là où l'auteur Yann Moix va naître et grandir. Grandir, sous les coups de parents tortionnaires, grandir dehors, ailleurs, à l'école, dans les livres pour ne pas mourir. Grandir en fixant le temps, s'accrocher à l'instant palpable, chercher l'air salvateur, chercher du sens pour arriver à demain.
C'est dans la première partie intitulée Dedans que l'auteur retrace année après année son enfance mutilée. Entre les humiliations et les sévices corporels, le temps passé sur les bancs d'école semble (parfois) un sursis analeptique.
Autant les mots décrivant le monde qui l'entoure se déroulent dans une poésie rassurante aux couleurs chaudes de l'enfance, autant ceux accompagnant les blessures se brisent sur le corps de l'enfant. Yann Moix ne s'apitoie pas sur les marques laissées, il ne surenchérit pas de détails scabreux, il décrit. Il raconte tel l'adulte observateur de l'enfant qu'il a été. Il raconte la violence, il raconte l'incompréhension et finalement, la résignation. Et l'attente de la mort parentale.
Je parlais d'air salvateur, de la branche à laquelle se raccrocher, l'enfant découvrira les mots et leur pouvoir. Les lire. Les écrire.
On pourrait désormais faire de moi ce qu’on voudrait , je possédais un pouvoir irrévocable : écrire.
La littérature sera sa maison, son havre, les auteurs qu'il rencontre, ceux à qui il cherchera à s'identifier.
Dans la deuxième partie, Dehors, l'auteur décrit des scènes de vie loin de chez lui, sa tentative de communication avec les autres, ses échecs et humiliations (encore), sa volonté de plaire. Qu'enfin on sache qu'il est quelqu'un, qu'enfin on sache qu'il a de la valeur. Une recherche vaine de reconnaissance.
Et encore et toujours la littérature. Elle prend toute la place. Et plus on avance dans le livre et moins on pense à cette maltraitance inhibante, parce que même si elle a aidé à façonner l'homme torturé d'aujourd'hui, la littérature, elle, l'a très certainement sauvé.

Et si l'auteur est aujourd'hui conspué, traité de menteur, calomnié, comme il l'a été toute sa vie (et abstenons-nous de toute analyse psychanalytique de comptoir, il y a déjà tout ce qu'il faut sur les réseaux sociaux), il n'en reste pas moins un grand écrivain.

Grasset (2019)
262 pages

 

L'AUTEUR
Yann Moix, Prix Renaudot 213 pour Naissance est aussi cinéaste, il a réalisé deux longs métrages ainsi que plusieurs courts métrages documentaires ou de fiction. Actuellement, il prépare un livre et un film sur la Corée du nord où il se rend fréquemment.

 

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