VU de Serge Joncour
C’est la campagne, c’est calme, il ne se passe rien, jamais. Il y a cette famille, le père, la mère, trois enfants et la grand-mère, increvable. Pour essayer de les décrire au mieux, me vient l’image des Deschiens et leur esprit léger pour ne pas dire limité, le télé7jours étant leur lecture de chevet. Ce sont des gens simples qui mènent une vie simple et à peu de frais, le père vivant du chômage, et boudu ! v’là qu’un jour un Boeing vient s’écraser sur leur morceau de terre. La télévision débarque, les curieux s’amènent, les feux sont braqués sur la famille bidochon, moment de gloire, moment de grâce.
Et parce que suite à cette catastrophe heureuse, d’autres catastrophes heureuses paveront la route de ces braves gens, un journaliste ambitieux rêvant du Pulitzer s’installera à demeure guettant le cataclysme salutaire.
Le seul truc un peu moderne du panorama c’était la queue du boeing, une saillie rouge et jaune qui brillait quel que soit le temps, un genre de menhir qui n’avait pas le mérite des siècles, mais n’en était pas moins la seule vraie curiosité de la région.
Le ton est léger comme peut l’être le parler du narrateur, l’un des enfants. De son œil plein de la naïveté de l’enfance, rien n’est vraiment dramatique, que l’oncle se prenne un coup de pistolet alors qu’on chasse le cochon, évidemment c’est dommage mais après tout on l‘a pas fait exprès et puis le week end est foutu. Sous couvert de l’humour et d’un regard décalé, l’auteur fait passer les pires horreurs pour de légers tracas. C’est succulent à lire, d’autant que derrière cet esprit burlesque et faussement dadais se cache la langue poétique et le caractère facétieux de M. Joncour. Et si l’on regarde plus en avant, sous un angle plus aigu, on va déceler une critique des médias, toujours à chercher la surenchère au détriment des petites gens. L’oncle est mort mais bon, le cochon s’est sauvé, c’est malin !
Vu est le premier roman de Serge Joncour, publié en 1998 aux Editions Le Dilettante, et il se lit avec délectation.
Le Dilettante (1998)
205 pages
L’AUTEUR
Il publie son premier roman, Vu, en 1998 au Dilettante qui a obtenu le Prix France Télévisions en 2003. En l'an 2005, il a reçu le Prix de l'Humour Noir Xavier Forneret pour son livre L'idole. Il a écrit le scénario du film Elle s'appelait Sarah, d'après le roman éponyme de Tatiana de Rosnay. Il publie chez Flammarion Que la paix soit avec vous en 2006, Combien de fois je t'aime en 2008, L'homme qui ne savait pas dire non en 2009, L'Amour sans le faire en 2012. En 2012, L'idole est adapté au cinéma par Xavier Giannoli sous le titre Superstar. Le film, est présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise 2012. L'écrivain national sorti pour la rentrée littéraire 2014 a été finaliste pour le prix Renaudot. Puis, Repose-toi sur moi, en 2016.