UN LONG MOMENT DE SILENCE de Paul Colize
Il y a des livres, on ne sait pourquoi, on n’a pas envie de les partager, pas envie de dire ce qui nous a plu, ce qui nous a fait tant d’effet. Pudeur, égoïsme ou juste l’envie de les ruminer seul, de les digérer, de les réfléchir aussi. Ces lectures qui touchent de façon différente.
Un long moment de silence est, pour moi, de ces livres. Mais par hommage à l’auteur et également pour le remercier de m’avoir chamboulé les neurones, je me dois d’écrire quelques lignes en espérant ne pas trop me répandre.
Le père de Stanislas Kervyn, alors âgé d’un an, a été abattu le 21 août 1954, au Caire. N’ayant jamais su qui avait agi ni pourquoi son père se trouvait là à ce moment là, Stanislas mène sa propre enquête et sort un livre comme pour clore ce chapitre de sa vie, chapitre qui restera en suspend, des vides trop nombreux empêchant le deuil, restera un bout de lui inachevé. Voilà l’entrée en matière.
Puis… un coup de pouce hasardeux va tout relancer et puis… Berlin, migraine, organisation juive de tueurs de nazis, boîte en carton, uniforme SS, prostate, « baise », la mère, dossiers, New York, traductrice, photos, le Ring… et ça ira.
Alors pourquoi je l’ai tant aimé ce livre ?
Tout d’abord parce que j’aime le style Colize, j’aime sa façon d’être factuel et précis dans ses descriptions, sa rigueur d’écriture, ce doit être dû à mon manque d’organisation, j’aime sa façon de cadrer l’intrigue sans pour autant la simplifier. Ô que non, elle n’est pas simple !
J’aime également la qualité des recherches inclues dans le texte sans pour autant l’alourdir mais bien pour renforcer l’argumentaire, pour ajouter du sens.
Et puis sa façon de superposer deux moments différents dans un même texte ou encore de partir sur des époques différentes sans nous perdre. C’est une histoire complexe dans un texte clair (je suis sûre que le bureau de Mr Colize est au carré, chaque chose à sa place… chaque mot à sa place).
Des personnages consistants au vécu lourd et omniprésent, des personnages détestables ou attachants, héroïques et efficaces, des personnages denses, des personnages concrets, des personnages vrais.
Et quelle histoire ! Car si la forme est importante (et impeccable), sans fond, on ne se ventouse pas aux pages. On découvre alors un nouvel aspect de l’auteur, du moins un aspect que je ne connaissais pas: la sensibilité. Cette histoire m’a touchée, a touché ma corde affective et certains vous diront que ce n’est pas évident. Et cela pour plusieurs raisons mais, si vous le permettez, je les garde pour moi et ce serait dommage de vous en dire plus.
Lisez-donc ce livre.
La manufacture de livres (2013)
470 pages
L'AUTEUR
Belge, mâle, né sous le signe de la Vierge (non pratiquant), Paul Colize mesure 1,88m, pèse 80 kilos et est myope comme une taupe. Consultant en organisation de son métier, il est marié, a trois enfants et deux chats. C’est sa grand-mère, qui vivait dans la même maison que lui quand il était gosse, qui l’a amené au polar. A 80 ans, elle avalait un paquet de cigarettes par jour et engloutissait un polar à la même fréquence. Le petit Paul était chargé de lui fournir sa lecture quotidienne en visitant la bibliothèque du quartier. Sur le pas de la porte, elle criait inlassablement : "Prends ceux avec une couverture jaune ou noire". Ce genre de traumatisme laisse des traces."
Est l'auteur de : La Troisième Vague, éditions Krakoen, 2009, Le Baiser de l'ombre, éditions Krakoen, 2010, Le Valet de cœur, éditions Krakoen, 2010 (réédition de Quatre Valets et une dame), Back Up, La Manufacture de Livres, 2012 - Folio Policier n° 685, 201