PETIT PAYS de Gaël Faye
Petit pays, on en a tant parlé de ce livre que je vais sûrement répéter ce qui a déjà été dit.
Mais pour ceux qui vivraient en autarcie, enfermés dans leur maison, libérés du joug des médias et qui n’auraient comme lien vers le vaste monde que ce blog, pour ceux-là, je vais raconter très brièvement ce qui s’y passe dans ce Prix Goncourt des lycéens (et oui, quand même !).
Gaby a onze ans, il vit au Burundi dans les années 90. Sa mère est rwandaise, son père est français. Il vit là, dans un quartier favorisé de Bujumbura, il vit entouré de gens qu’il aime dans l’insouciance d’une enfance heureuse (et privilégiée). Jusque là, le texte est léger, des mots ronds qui collent à un âge tendre narrent une vie quasi « européenne » dans une atmosphère africaine moite qui sent le colon.
C’est joli, c’est touchant.
Puis, il y a des élections, puis le président élu est assassiné, puis ça s’agite au Rwanda, puis Gaby comprend qu’il y a deux mondes, celui des Hutus et celui des Tutsis. Et le génocide. Et l’horreur.
Ça n’est plus joli, ça touche différemment.
Expliquer par la bouche d’un enfant, l’horreur n’a pas besoin d’être détaillée, l’auteur l’a compris. Seule l’évocation d’un monde qui s’effondre autour de l’innocence suffit à bouleverser le lecteur. Et je l’ai été. Des images de journaux télévisés me sont revenues, les cris d’un film que je n’avais pas pu regarder m’ont rattrapée. Oui, ce livre est bouleversant. Cet enfant qui quitte le pays avec sa sœur. Seuls. C’est violent.
Et c’est parce que le narrateur est un enfant, et c’est parce qu’il vit un génocide que nul n’a empêché que ce livre est déchirant. Et je me souviendrai de l’horreur. Mais pour ce qui est de la forme du texte, des mots naïfs de l’enfance, des phrases simples et courtes, de cette façon de toujours vouloir que l’enfant s’émerveille d’un rien, j’aurai tôt fait d’oublier.
Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j'ai compris que je l'étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel encore.
C'est un livre fort.
Lis-le. Pour la mémoire.
Grasset (2016)
217 pages
L’AUTEUR
Franco-rwandais, Gaël Faye est auteur compositeur interprète de rap. Aussi influencé par les littératures créoles que par la culture hip hop. En 2016, il sort son premier roman, Petit pays, qui obtient le Prix du roman Fnac et le Goncourt des lycéens.