LE FLEUVE DES BRUMES de Valerio Varesi
C’est un hiver rude et il pleut sans discontinuer sur le Pô, ce fleuve du nord de l’Italie qui s’étire des Alpes à la mer Adriatique. Au cercle nautique où le Sourd remplit les verres de fortanina, Barigazzi s’inquiète de la montée des eaux et s’étonne de voir la péniche de Tonna larguer les amarres pour partir sur le fleuve grossissant. Mais au cercle, on sait que le vieux Tonna connait le fleuve mieux que quiconque. Et pourtant, la péniche accostera plus bas vide de tout passager. Le vieux Tonna a disparu. Le même jour, en ville, un autre Tonna, le frère, est retrouvé mort. Défenestré. Suicide ou meurtre, le commissaire Soneri va remonter le temps pour trouver des réponses. Il y a cinquante ans, se sont confrontés sur ces terres des communistes résistants et des fascistes, les frères Tonna étant de ces derniers.
L'enquête était rythmée par les eaux du Pô, qui montaient et descendaient sans jamais épargner les rives du fleuve.
Chaque personnage croisé par le commissaire porte le poids des années passées sur ses épaules. Des épaules alourdies comme l’est l’atmosphère brumeuse qui repose sur le fleuve, qui écrase parfois. Le Pô est le témoin de secrets inavouables et camoufle les cadavres d’un temps révolu. C’est en suivant le rythme des eaux du Pô que le commissaire Soneri mène son enquête, se laissant aller aux confidences des uns et des autres, observant les mouvements sur les berges boueuses, partageant le jambon blanc avec des personnages graves et chargés d’Histoire dans des auberges où il aime s’attarder. La réflexion est plus efficace en dégustant des tortelli au potiron ou de l’âne en daube et en sirotant du Gutturnio.
Le Fleuve des brumes est un polar qui avance au rythme traînant des ressacs indolents du Pô. J’ai apprécié que l’auteur pose sa plume sur les hommes, qu’il donne une contenance à chacune de ses figures imposantes que la vie a frappé, j’ai aimé que Soneri écoute la parole de ces anciens. Et j’ai très envie d’aller goûter cette saveur de l’Italie nait des mots de Valerio Varesi.
Agullo éditions (2016)
316 pages
Traduit de l’italien par Sarah Amrani
L’AUTEUR
Valerio Varesi est italien, il devient journaliste en 1985, collabore à plusieurs journaux et est actuellement rédacteur de Repubblica à Bologne. Il publie Ultime notizie di una fuga, son premier roman, en 1998. Il est l’auteur de onze romans au héros récurrent, dont Le fleuve des brumes nominé au prestigieux prix littéraire italien Strega ainsi qu'au Gold Dagger Award en Grande Bretagne.