FOLLES DE DJANGO d'Alexis Salatko
Le 16 mai 2013, voilà 60 ans que s’est éteint l’une des grandes figures du jazz en France : Django Reinhardt.
Alexis Salatko s’attache à nous faire revivre l’ascension de ce génie du banjo, ce prodige de la musique. C’est au travers de regards de femmes qui l’ont suivi, encouragé, adulé tout au long de sa carrière que nous découvrons cet incroyable destin.
La première fois que Django était apparu à Maggie, il portait une chemise coquelicot. C’était à La Java ou au ça Gaze, un cabaret de Belleville en 1927.
Maggie Kuipers est de suite envoutée par le talent époustouflant du musicien et n’aura de cesse de le faire reconnaître aux yeux de tous. La voilà déjà Folle de Django !
Une passion qu’elle transmettra à sa fille Jenny qui prendra le relais dans sa volonté de pérenniser ce talent. Une autre génération, une autre Folle de Django.
Ces deux femmes sont le fil conducteur du roman. Au travers de leurs yeux, de leurs oreilles, nous vivons la musique de Django du commencement jusqu’à la gloire.
Django, virtuose de la guitare depuis l’âge de 12 ans, va vivre un drame qui bouleversera sa vie. Non, il ne s’agit pas de la guerre qu’il a observée de loin, coincé entre les cordes de son instrument. En 1928, sa caravane prend feu le laissant invalide. Sa main gauche est très abimée, il y laissera deux doigts désormais inutilisables. C’est là que de nouveau on parle de cette fameuse fougue, de cette volonté à jouer malgré tout. Il est un génie, il doit le rester. Il s’obstine et après 6 mois de travail sans relâche, il développe une technique nouvelle sur la guitare que son frère Joseph lui a apportée en guise d’outil de rééducation.
Les sons éclatent de tous les bords à la fois et vous traversent véritablement. La musique de Django monte des profondeurs de son être et vous enveloppe ainsi qu’un nuage de spores hallucinogènes pour vous plonger dans une langueur spéciale.
La personnalité du manouche, sa guitare et sa musique ne font qu’un. Les mots seuls choisis pour décrire sa musique et sa fougue nous transcendent et nous sommes comme forcés d’y ajouter du son. Nous nous jetons sur notre clavier d’ordinateur pour nous connecter au passé et (re)découvrir le frisson des notes du grand Django.
Les titres phares du maître défilent au fil des pages, ses rencontres, l’évolution de sa musique, ses inspirations, son parcours aux côté du violoniste Stéphane Grappelli, la consécration avec l’un de ses maîtres aux Etats Unis : Duke Ellington.
‘Nuages’ allait devenir le grand tube de l’Occupation. Soudain les oreilles se débouchent comme après une ascension en ballon à travers d’épaisses nuées et l’on plane dans l’azur le plus pur. Avec ce morceau, la France qui depuis de longs mois vivait terrée et transie reprenait un peu d’altitude.
Une troisième femme pour terminer le roman, pour clore cette fulgurance. Dinah, la fille de Jenny, une troisième génération de Folles de Django est en route. Django meurt le 16 mai 1953 et sa musique est désormais immortelle.
Dinah Kuipers avait huit ans le jour de l’enterrement, le 24 mai 1953 (…) Elle ne savait pas que ce mot-là n’allait plus la lâcher. Avant même d’être née, elle avait ses rythmes dans la peau. Son cœur s’était formé à son tempo. Il avait semé dans sa tête des envies de bourlingues.
Ce livre, je l’ai bu en une soirée, et ce soir là, j’ai été moi aussi Folle de Django.
Editions Robert Laffont (2013)
273 pages
L’AUTEUR
Né dans les années soixante, Alexis Salatko est tout d'abord co-scénariste avec Roman Polanski, Gérard Brach ou Didier Decoin pour le cinéma et la télévision. Au cours des années 80 et 90, il est journaliste et chroniqueur à Ouest France et La Presse de la Manche, tout en exerçant l'activité de directeur de la collection Rivages d'encre aux éditions Isoète. Auteur d'une quinzaine de romans et de biographies salués par la critique et récompensés par de nombreux prix.