C'EST LE COEUR QUI LÂCHE EN DERNIER de Margaret Atwood
Stan et Charmaine vivent dans leur voiture, ça n’est pas très confortable, les odeurs corporelles emplissent l’atmosphère confinée, et non, vraiment Charmaine aime autant que Stan ne la prenne pas sur la banquette arrière. C’est une crise économique sans précédent. Il n’y a plus de travail. Que peuvent-ils espérer devant eux ?
Et il y a cette pub à la télévision. Il y aurait un endroit, une ville dans laquelle chacun pourrait travailler et avoir un toit, un lit, une pelouse. A Consilience, le couple pourrait trouver sa place dans une communauté… un mois sur deux. Un mois à vivre dans un joli pavillon propret et un mois en prison durant lequel un autre couple occuperait le joli pavillon propret. Stan et Charmaine signent.
Non seulement, nous vous offrons le plein-emploi, mais nous vous fournissons aussi une protection contre tous les dangereux éléments qui affectent tant de monde ces temps-ci. Travaillez avec des gens qui partagent votre façon de voir ! Contribuez à résoudre les problèmes en matière de chômage et de criminalité tout en réglant les vôtres ! Mettez l’accent sur le positif !
Très intriguée et captivée par cette quatrième de couverture, j’ai pourtant marné pour entrer dans ce nouvel univers de Margaret Atwood. Alors qu’elle installait ses personnages dans cette ville aux libertés réduites, à la surveillance écrasante, alors que Stan et Charmaine allaient et venaient d’une vie à une autre, d’un mois à l’autre, souriants et confiants, presque reconnaissants, je m’attendais à une dystopie me rappelant 1984 ou Le meilleur des mondes, avec un Big Brother oppressant les âmes simples, et je guettais le rebelle qui ferait tomber la cité maudite. C’était sous-estimer le flux d’idées décalées et toujours plus innovantes qui foisonnent dans l’esprit de l’auteure, j’aurais dû me souvenir de l’univers fantastique et extravagant qu’elle a offert dans Maddaddam et m’attendre à ne rien attendre. Alors que le monde va mal, il y a toujours des puissances pour se servir du peuple, il y a toujours l’argent comme dirigeant ultime, il y a toujours le vice comme le moteur de tout. Et c’est dans un décor cocasse, entre des Elvis et des ours bleus, entre des euthanasies punitives et des poulets non consentants que Margaret Atwood nous dévoile encore son talent de conteuse drôle et grave et unique.
Robert Laffont (2017)
441 pages
L’AUTEUR
Margaret Atwood, née à Ottawa en 1939, est l'auteure d'une quarantaine de livres – fiction, poésie et essais critiques. Traduite dans cinquante langues, elle est l'une des plus grandes romancières de notre temps. Aux Éditions Robert Laffont, dans la collection « Pavillons », ont été notamment publiés : C'est le cœur qui lâche en dernier (2017), MaddAddam (2014), Le Temps du déluge (2012), La Servante écarlate (2005), Le Dernier Homme (2005), Le Tueur aveugle (2002, Booker Prize) ou Captive (1998).